LA TAPISSERIE AU XVe SIECLE                         83
Ce passage nous fournit un renseignement important sur l'âge et l'origine de la tenture de Clovis, un des plus précieux mo­numents de l'histoire de la tapisserie au xv0 siècle. Cette suite faisait partie, comme on vient de le voir, du mobilier des ducs de Bourgogne avant 1468; elle sortait vraisemblablement des ate­liers d'Arras. Il était naturel que Philippe le Bon se plut à rap­peler le souvenir de l'alliance de Gondebaud, l'ancien maître de la Bourgogne, avec le fondateur du royaume de France. On sait que cette tapisserie, transmise par la fille de Charles le Téméraire à Charles - Quint, fut trouvée dans les bagages de l'Empereur après la levée du siège de Metz; elle échut alors, dans le partage du butin, au duc François de Guise, et fut offerte bientôt après à la cathédrale de Reims par Charles de Guise, cardinal de Lorraine. C'est ainsi une des rares pièces dont on peut suivre les vicissitudes pendant une période de plus de quatre siècles. Toutes ces circon­stances font de l'Histoire du roi Clovis une relique des plus vé­nérables. On ne saurait donc trop déplorer la négligence qui a laissé disparaître de nos jours un des morceaux de cette suite.
Quand elle entra dans le trésor de la cathédrale de Reims, elle comptait six pièces. Elle n'en avait plus que trois quand M. Leber-thais la dessina vers 1840. Comment se fait-il qu'un panneau ait été perdu depuis cette date? Les deux pièces encore existantes et dé­posées dans la cathédrale représentent, la première : le Couron­nement du roi et la Prise de la cité de Soissons; la seconde : la Fondation des églises Saint-Pierre et Saint-Paul (depuis abbaye de Sainte-Geneviève), la Victoire sur Gondebaud et l'Histoire du cerf merveilleux.
L'entassement des personnages et la confusion des scènes, qui s'enchevêtrent l'une dans l'autre, rendent une description presque impossible. D'ailleurs, les originaux restent constamment exposés sous les yeux des visiteurs, et les dessins de M. Leberthais permet­tent de les étudier à loisir. Au double point de vue de l'histoire de l'art et de celle du costume, ces pièces sont d'une importance capitale. En effet, les combattants portent tous l'armure bourgui­gnonne du milieu du xve siècle : l'anachronisme ne choquait alors personne. Les défenseurs de Soissons repoussent l'attaque avec des bombardes dont le modèle est évidemment fourni par l'artillerie de Philippe Ie Bon. Notons enfin les trois crapauds qui s'étaient sur les étendards du roi de France jusqu'au moment où ils